Interview
Pourquoi il faut enseigner la gestion de l’eau à l’école
L’ingénieur ivoirien dénonce le gaspillage de l’eau qui empêche une meilleure distribution.
Depuis plusieurs années, les villes ivoiriennes connaissent des problèmes de fourniture en eau potable. À Abidjan, des communes entières peuvent se retrouver pendant de longues semaines sans une goutte d’eau dans les robinets. Avec les difficultés et les risques de maladies que cela comporte. Venance Yoboué est ingénieur électrotechnicien, ex-directeur général adjoint de la Société de distribution d’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci). Il milite pour une large sensibilisation sur les enjeux liés à l’accès de tous à une eau potable. Un cheval de bataille dont il a détaillé les contours dans l’ouvrage L’alarme : la préservation des ressources et l’alimentation durable en eau potable des villes de Côte d’Ivoire (éd. Kaicedra, 2019). Pour Santeenafrique.com, il alerte sur les risques de pénuries d’eau auxquels son pays est confronté.
Quelle est la situation hydraulique de la Côte d’Ivoire?
Le pays est situé dans une zone équatoriale, avec une pluviométrie assez intéressante. Seulement, dans les années 1960, il tombait plus de 2 mètres de pluie en moyenne par an. Aujourd’hui, il n’en tombe plus qu’environ 1600 millimètres annuels. Il y a donc une nette diminution des ressources en eau. Cela est lié, en partie, aux effets du changement climatique. Le déficit actuel est lourd de conséquences. Il prive près de 20% des habitants d’un accès à l’eau potable.
En quels termes se posent les risques de pénuries d’eau que vous évoquez?
Le bon réseau hydraulique dont dispose la Côte d’Ivoire ne l’empêchera pas de connaître des pénuries, si le mode d’occupation des sols n’est pas revu et contrôlé. À cause des constructions, l’eau des pluies n’arrive pas à s’infiltrer dans la terre pour aller recharger la nappe phréatique. Or, si on pompe la nappes phréatique pour en extraire de l’eau potable plus qu’il ne tombe de pluie, elle risque de s’assécher. La réalité est qu’on est à la limite de leur exploitation. La population augmente, le besoin en eau augmente aussi. C’est ce qui explique les coupures d’eau et les baisses de pression dans certains quartiers.
« Lutter contre la pollution des eaux est la clé pour préserver les ressources hydriques »
Faut-il s’en inquiéter?
À moyen et à long terme, les coupures peuvent s’intensifier, et il existe même la probabilité d’un rationnement. Si on ne prend pas les mesures adéquates. Parmi les solutions, il y a la réutilisation des eaux résiduaires, l’aménagement des barrages, la réorganisation de la distribution. L’on pourrait aussi favoriser la rétention naturelle atmosphérique des eaux fluviales. Cela consiste à avoir des zones végétalisées. Il faut reboiser.
Vous alertez également sur la pollution de nos eaux…
Cette pollution est principalement due à l’activité humaine. Aujourd’hui en Côte-d’Ivoire, l’une des principales sources de pollution des eaux de surfaces est l’orpaillage clandestin. Le phénomène a pris de l’ampleur, et entraîne toute sorte de maladies. Si la réglementation parvient à réprimer ces actes qui détruisent la faune et la flore, cela aura une incidence bénéfique sur la sauvegarde de nos ressources en eau.
Le pays atteindra-t-il les objectifs de développement durable d’ici à 2030?
Si nous voulons atteindre ces objectifs définis par l’ONU, il faut commencer par travailler sur la prise de conscience de ces problématiques. Il faudrait pouvoir enseigner à l’école les enjeux d’une gestion vertueuse des ressources en eau. L’une de clés étant la sensibilisation à la lutte contre le gaspillage. Par exemple, arrêter d’utiliser de l’eau destinée à sa propre consommation pour laver les voitures ou arroser les jardins.