Interview
À quoi sert l’examen médical prénuptial?
ll est obligatoire au Burkina Faso, au Bénin, en Algérie, au Maroc ou encore au Sénégal.
Dans de nombreux pays, un certificat médical est demandé à celles et ceux qui souhaitent se marier. ll est obligatoire au Burkina Faso, au Bénin, en Algérie, au Maroc ou encore au Sénégal. D’autres pays ont jugé qu’il n’était plus utile, et l’ont supprimé de leur procédure nationale d’union. Devant ces différences d’appréciations envers un acte concernant notre part la plus intime, nous avons voulu savoir en quoi consiste et à quoi sert cet examen. Dans son cabinet de médecin généraliste-sexologue, la Dre Paule Moko reçoit les questions des patients en première ligne, avant de les diriger vers des spécialistes. Elle est également autrice d’une chaîne YouTube de vulgarisation médicale populaire. Elle y aborde tous les sujets liés à la sexualité, sans tabou, qu’ils concernent femme ou homme. Pour elle, cet examen est un acte de prévention nécessaire, un outil d’éducation sexuelle, et en quoi il permet d’obliger les protagonistes à vérifier leur parcours individuel de soins.
Que faut-il entendre par examen médical prénuptial?
Il s’agit d’un bilan de santé demandé à chacun des futurs époux avant l’union. Une sorte d’état des lieux pour faire le point sur leur hygiène de vie, les vaccinations effectuées ou non, les prévalence familiales. J’emploie le terme «carte de leur santé». Il a lieu en trois étapes: d’abord un interrogatoire, puis des examens avec prises de sang, et enfin les résultats avec la délivrance d’un certificat. Dans les questions posées, on interroge entre autres les habitudes alimentaires, si le patient est fumeur, s’il fait du sport, s’il a des douleurs particulières à surveiller. Aussi le mariage étant pour beaucoup un acte scellant un désir de famille, on se demande: est-ce qu’en cas de procréation le terrain est favorable? C’est-à-dire que l’on engage des tests autour de la glycémie, de l’immunité de toxoplasmose, de la présence ou non de MST, VIH, …enfin tout ce qui pourrait présenter un risque pour un embryon. Certains examens sont assez spécifiques aux populations africaines aussi, comme l’électrophorèse de la drépanocytose et celle de la bêta thalassémie.
Mais pourquoi engager un tel bilan à ce moment précis?
C’est pertinent de le faire à ce moment-là pour les couples, puisque cela marque leur décision de passer au cap suivant avec le mariage. Par ailleurs, cette dimension symbolique du moment rend le bilan santé inévitable. On aura moins tendance à sécher son rendez-vous chez le médecin. Car, on ne se lève pas tous les matins en se disant que l’on va vérifier sa sérologie, ou son incidence de maladies cardiaques. Cet examen permet de faire de la prévention et de limiter les diagnostics tardifs. Il faut savoir que beaucoup de maladies ne se voient pas sur le visage. On peut regarder une personne et se dire qu’elle est bien portante. Et en fait, non. Cette personne couve quelque chose sans même le savoir elle-même. Cet examen est donc important parce qu’à travers le mariage, c’est un bagage génétique qu’on va partager aussi en procréant.
Transmettre sa maladie à l’être aimé sans le savoir, ce n’est pas vraiment ce que l’on imagine quand on aspire à un mariage heureux.
L’examen permet-il de pallier un parcours individuel de soins incomplet avant le jour-J?
Oui. Être malade et transmettre sa maladie à l’être aimé sans le savoir, ce n’est pas vraiment ce que l’on imagine quand on aspire à un mariage heureux. Car, qui dit mariage, dit sexualité. Or il ne faut pas oublier que la sexualité est l’une des premières causes de mortalité, avec les MST. D’autre part, on peut être stérile et ne pas le savoir. Il est préférable de le savoir avant car, pour beaucoup de personnes, le mariage signifie désir d’enfant. C’est d’autant plus important qu’en cas de difficultés à procréer du couple, c’est souvent la femme qui est accusée, alors que cela peut très bien être lié à la santé du mari.
Il aurait aussi un rôle d’éducation sexuelle?
Oui le but de cet examen est aussi d’encourager à une sexualité responsable.
Cet «état des lieux» médical inclut-il un test de virginité?
Cela dépend des pays et du contexte dans lequel il est pratiqué. En tant que professionnelle de santé, si vous voulez mon avis, je suis contre ce genre de test de virginité. D’abord que nomme-t-on sous le mot virginité? Est-ce qu’une femme ayant fait une fellation sans pénétration est considérée vierge? Et quid de la pénétration anale, du coup utilisée pour contourner ce genre de test? D’autre part, ces tests sont difficiles à établir. Leur résultat ne vaut pas grand-chose. Même de bons praticiens parfois n’arrivent pas à déterminer l’état de l’hymen chez la femme. Ce dernier peut s’être perforé au cours d’une activité physique non sexuelle ou alors être toujours en place même après pénétration. Pour moi, vérifier cela n’est pas viable même d’un point de vue technique. Sans parler de considérations sociétales ou confessionnelles.
Les tests de virginité ne sont pas viables, même d’un point de vue technique.
Un certificat est délivré à l’issue de cet examen. Cela signifie-t-il que seules les personnes en bonne santé peuvent se marier?
En fait, cela dépend des formulaires. Il y en a sur lesquels on trouve la mention «est apte» et d’autres sur lesquels il y aura plutôt écrit «ne présente pas de maladies contagieuses». Dans tous les cas, cet examen a toujours lieu dans le cadre du secret médical. Ce qui veut dire qu’au moment où le médecin délivre les résultats au patient, cela se fait de manière individuelle. Après libre au patient d’informer ou de ne pas informer son ou sa partenaire des résultats de son état de santé.
Retrouvez les conseils en sexologie du Dr Paule Moko sur sa chaîne YouTube