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PORTRAIT

Mama Zery, accoucheuse traditionnelle malgache

La matronne a aidé à naître 2 000 bébés.

Annick Sedson

Publié il y a

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Mama Zery, accoucheuse traditionnelle malgache

La notoriété des accoucheuses traditionnelles n’est pas près de disparaitre à Madagascar, surtout en zone rurale. Celles-ci jouent un rôle important au sein de leur communauté. Tel est le cas de Mama Zery, une tradithérapeute qui a aidé à mettre au monde près de 2 000 bébés. Âgée de 74 ans, Mama Zery est encore sollicitée par nombreuses familles du district de Manjakandriana (47 km d’Antanarivo). L’experte réalise son premier accouchement lorsqu’elle a 16 ans. À l’époque, les femmes sur le point d’accoucher sont portées à pied vers l’hôpital, faute de moyen de transport.

« Nous étions en train de jouer lorsque des hommes de mon village portaient une femme enceinte et nous les avions suivis. A peine quelques mètres, l’enfant a sorti sa tête avec le cordon qui s’enroulait autour de son cou. Pris de panique, ces hommes n’ont pas eu le courage de le toucher car même s’ils avaient déjà assisté à des accouchements, ils n’en avaient jamais pratiqué eux-mêmes. En suivant leurs instructions, je me suis occupée de la mère et ai aidé le bébé à naître», se souvient la jeune fille qu’était alors Mama Zery.

Comme pour beaucoup d’accoucheuses traditionnelles malgaches, il s’agit d’un don hérité d’un membre de la famille. Mama Zery le tient de son arrière-arrière-grand-mère maternelle. Cette dernière lui vint en rêve et lui enseigna tout ce qu’il était nécessaire de savoir. La technique d’abord, les médicaments pour le bien-être de la mère et du bébé ensuite. « Je ne connaissais même pas les noms de ces plantes. Mais je les ai reconnues en les voyant dans la nature», confie l’accoucheuse. En enchaînant les pratiques, Mama Zery est déjà connue de son village et des communautés environnantes alors qu’elle n’a que 20 ans.

Confiance et tradition familiale

Malgré l’existence d’un centre de santé dans les communes rurales, certaines familles préfèrent avoir recours à ces accoucheuses traditionnelles. «C’est surtout une question de confiance et de tradition familiale. J’ai réalisé des accouchements pour deux ou trois générations de femmes d’une même famille», confirme la sage-femme. L’expérience la plus marquante pour Mama Zery reste l’accouchement d’une femme d’un bébé de plus de 5kg par voie basse. La mère, issue d’une famille aisée, et vivant en ville, était réticente à l’idée de se faire opérer par césarienne.

Dans cette profession, l’accoucheuse accompagne ses patients tout au long du processus. Pendant la grossesse, le travail et l’accouchement, en assurant le bien-être de la mère et de l’enfant pendant la période traditionnelle de réclusion ou Mifana. Mama Zery reste vigilante et stricte sur la question de l’hygiène et de l’alimentation. «Parfois, leur entourage ne respecte pas mes instructions et c’est ce qui peut nuire à leur santé». Son don permet aussi à l’accoucheuse de déterminer d’éventuelles complications. Dans ce cas, elle n’hésite pas à diriger sa patiente à l’hôpital.

En pratiquant ce métier depuis plusieurs années, les accoucheuses traditionnelles de Manjakandriana collaborent avec la commune en octroyant un registre facilitant la déclaration de naissance qu’elles procurent elles-mêmes à la commune. Un atout pour les habitants vivant dans les endroits plus reculés.

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