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PORTRAIT

Moi, Élise Kalagba, j’ai vaincu les préjugés sur le cancer du sein

Après des phases de découragement, la septuagénaire ivoirienne est déterminée à guérir.

Harding M'BRA

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Moi, Élise Kalagba, j’ai vaincu les préjugés sur le cancer du sein

«C’était au début des années 2000. Un matin, j’ai touché mon sein droit et j’ai senti une boule… Je ne me suis pas préoccupée, et j’ai continué ma vie. À l’époque, je ne me doutais pas que c’était quelque chose de grave.» L’histoire d’Élise Kalagba, une Ivoirienne de 71 ans souffrant du cancer du sein, a commencé comme cela, dans la plus grande des méconnaissances sur la maladie.

Elle a pourtant été longtemps assistante médicale à Bouaké, deuxième ville la plus peuplée de Côte d’Ivoire. En 2015, à Abidjan, la boule au sein lui fait mal. Elle choisit de consulter un tradipraticien. Le guérisseur lui donne des plantes à appliquer sur le sein malade. Mais rien n’y fait. La douleur persiste jusqu’à ce qu’elle soit contrainte de se rendre à l’hôpital. Après une batterie d’examens (échographie, radiographie, mammographie), Elise Kalagba est diagnostiquée d’un cancer du sein, fin 2022.

Une chimiothérapie lui est alors prescrite: huit séances à intervalle de vingt-et-un jours chacune. Les choses ne se passeront pas correctement. «Au bout de deux séances, j’ai laissé tomber parce que c’était trop cher. Je devais systématiquement débourser plus de 50 000 francs CFA. Je n’avais pas d’argent», confie la dame, qui garde toujours le foulard bien noué sur la tête depuis que la chimio lui a fait perdre ses cheveux.

Mais l’abandon des soins est aussi dû aux croyances religieuses et culturelles. «Le médecin ne m’a pas dit comment j’ai contracté cette maladie. Mais le pasteur m’a fait savoir qu’il s’agissait d’un envoûtement, que des sorciers me voulaient du mal. Je me suis sentie mieux après les premières prières. J’ai donc définitivement laissé tomber l’hôpital», avoue la septuagénaire.

L’envie de guérir

Quoi qu’il en soit, Élise Kalagba demeure déterminée à guérir. En début d’année 2023, un cousin la convainc de retourner au Centre national d’oncologie médicale et de radiothérapie du CHU de Cocody, à Abidjan, pour reprendre ses séances de chimio. Ce dernier ayant assuré la malade de son soutien financier. «Après les quatre premières séances, on m’a remis une facture de 950 000 francs CFA. Où aurais-je pu trouver cet argent sans l’aide de ce cousin?», soupire la femme qui vit dans une cour commune de Niangon, à Yopougon.

Comme beaucoup de personnes en Côte d’Ivoire, Élise Kalagba n’a pas d’assurance maladie, ne fait partie d’aucune association de malades, n’est pas suivie par le Programme national de lutte contre le cancer (PNLCa). Elle ne peut donc bénéficier d’aucune prise en charge publique. Néanmoins, la malade débute mercredi 11 octobre 2023, la seconde phase des quatre dernières chimiothérapies. Une épreuve qu’elle redoute. «C’est difficile à vivre. L’injection des médicaments fait très mal. Les jours qui suivent, le corps souffre terriblement. On n’arrive pas à manger», souligne-t-elle.

Mais Élise Kalagba garde espoir et courage. « Je dois reconnaître que j’ai beaucoup de chance. Le cancer ne s’est pas développé dans d’autres parties de mon corps. Je terminerai les séances de chimio, et s’il y a lieu d’opérer le sein, ça se fera. Pourvu que je guérisse», dit-elle d’une voix ferme.

La Côte d’Ivoire a enregistré, en 2020, un total de 17 300 nouveaux cas de cancer, avec une forte mortalité de 11 760 décès, selon les chiffres officiels. Le Programme national de lutte contre le cancer insiste sur la nécessité d’intensifier la sensibilisation, la communication sur le dépistage précoce. C’est aussi le message d’Élise Kalagba.

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