Société
Dans l’enfer des dadas, travailleuses domestiques en RDC
Mépris, harcèlements sexuels et viols sont leur lot quotidien.
«J’effectue toutes sortes de travaux, en plus de la garde des enfants. Je n’ai pas de repos. Les salaires arrivent toujours en retard, et j’ai l’interdiction de me plaindre.» Christine Baraka Rutagurana est travailleuse domestique, dada, comme on les désigne en République démocratique du Congo. Mère de trois enfants, elle est arrivée à Goma (est) afin de chercher du travail. Sans étude ni qualification, la jeune femme n’a pu devenir qu’employée de maison. Depuis une dizaine d’années, elle a tour à tour travaillé pour quatre ménages. Comme de nombreuses autres personnes, jeunes, femmes et hommes, ayant quitté les villages de l’intérieur du pays en quête d’une vie meilleure en ville.
Harcèlements et viols
Seulement, plutôt que de voir leur situation s’améliorer, ces travailleuses et travailleurs domestiques se voient plonger dans l’enfer et une forme d’esclavage moderne. Leurs conditions de travail sont exécrables: horaires à rallonge, tâches multiples et incessantes, salaires dérisoires, mépris, liberté de circulation entravée, violences, harcèlement sexuel et viols.
Bénit Nabiru en témoigne, la voix pleine d’émotion. Venu d’un village de l’île Idjwi située sur le lac Kivu (en face de Goma), afin de poursuivre sa scolarité, il travaille depuis deux ans comme domestique dans une famille de la ville. «Nous sommes convenus avec mon patron que je devrais m’occuper des tâches ménagères et de ses enfants. Lui, en retour, devrait me permettre de payer mon école. Mais je ne perçois aucun salaire», confie le jeune garçon.
Tout de se déroule de manière informelle, dans l’illégalité et une parfaite impunité. Les boys et les dadas, termes péjoratifs, ne disposent pas de contrat de travail. Dans le meilleur des cas, seule une convention qui n’engage pas à grand-chose est établie entre les deux parties. La rémunération de ces travailleurs domestiques esclavagisés, quand il en existe une, se situe entre 20 et 50 dollars mensuels.
Pauses retranchées du salaire
Selon un rapport national sur le développement humain datant de 2014, le secteur informel représente plus de 70% de l’activité sociale et économique du pays. Les employés de maison en font partie. Ce qui les rend d’autant plus vulnérables. À ce sujet, l’Organisation internationale du travail (OIT) fournit des statistiques encore plus alarmantes. Dans son rapport de 2022, l’organisation estime à seulement 6% le nombre de travailleurs domestiques ayant accès à une protection sociale sur l’ensemble de la planète.
«Une fois, je me suis blessée à la main. Je n’ai reçu aucun soin. J’étais même obligée de continuer à travailler jour et nuit. Si vous faites une pause, cela est retranché de votre salaire», raconte Kavira Stuka, employée de maison dans une famille du quartier Ndosho. «Tout cela affecte notre santé mentale. Stress, anxiété et troubles du sommeil sont notre quotidien», ajoute-t-elle.
De quelles marges de manœuvre disposent ces personnes pour améliorer leurs conditions ? De presqu’aucune. Si ce n’est l’appui de l’Union des femmes domestiques (UFEDOC). Cette structure, basée dans le quartier populaire de Keyshero, fait ce qu’elle peut pour informer les personnes sur leurs droits. Elle réunit, depuis sa création en 2018, plus de 450 travailleuses et travailleurs domestiques.
« Nous organisons des ateliers et des campagnes d’information et de sensibilisation. Il nous arrive d’aller à la rencontre des employeurs pour leur rappeler leurs obligations », explique Salumu Mitterrand, un des responsables de l’ONG. Car, souligne encore le militant, c’est le manque de connaissance et de compréhension de leurs droits par les personnels domestiques qui favorise les abus des patrons. Résultat des actions de l’UFEDOC, des plaintes commencent à être enregistrées. Dans l’espoir de jours meilleurs.
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